L'INVITEE DU SAMEDI
L'invitée du samedi du journal régional Ostlendingen était Sigrid Ekran, samedi dernier ! Pour vous permettre de mieux la connaître et histoire de ne pas laisser s'empoussiérer mon dico, je vous ai fait la traduction de l'article : bonne lecture ! (NB : un clic sur l'article l'ouvre en format PDF)

L’invité du samedi
Nom : Sigrid Ekran
Age : 29 ans
Vit à : Folldal
Célibataire
Ce qu’elle n’aime pas : Etre assise à un bureau devant un ordinateur
Ce qu’elle aime : Etre dehors, dans la forêt et sur la montagne avec ses chiens
Lecture : Beaucoup d’histoires polaires mais aussi d’autres choses que du froid et des conditions difficiles !
Ecoute : Beaucoup la radio ainsi que du hip hop et du reggae
Ce qu’elle aime manger : un peu tout, beaucoup de gibier (perdrix, élan, caribou en Alaska)
Ce qu’elle aime boire : du chocolat chaud et du café, un bon vin rouge de temps en temps
Hobby : Le mushing et pas le temps pour rien d’autre !
Actualité : vient de remporter la Femundlopet F600
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La fille de la nature
Elle pense que les gens qui passent leur temps dans un bureau entre 9h et 16h sont bien plus fous qu’elle qui vit mieux seule dehors avec ses chiens dans la nature.
Lars Monsen, Ketil Reitan, Bjornar Andersen et Robert Sorlie : Sigrid les a tous battus ! Elle a gagné la Femundlopet et est devenue du même coup championne de Norvège de longue distance, un an avant les championnats du monde. Elle est basée à Folldal avec ses 26 chiens et à cet instant précis, elle est assise près de la cheminée de l’hôtel Bergstaden à Roros, toute prête pour se rendre au banquet qui doit avoir lieu dans la soirée. Ils ne sont pas nombreux ceux qui peuvent rivaliser avec la jeune femme de 29 ans qui a grandit en pleine nature avec ses parents et son frère cadet plus jeune de 6 ans dans une ferme près de Borgenfjord à Sparbu dans la province du Nord Trondelag.
Le maquillage de l’hivers a fondu maintenant. Elle se détend sans givre sur le visage ni les cils. Dehors dans la rue, il fait –15°C mais ce n’est pas une température qui effraie une fille qui a couru 2 fois la légendaire Iditarod en Alaska, la 1ère fois avec un nez cassé et une infection alimentaire.
« Je ne conduis pas mes chiens avec le nez. Ca faisait mal mais ca a été », dit-elle en souriant.
Après le départ de la course la plus folle du monde en 2007, avec 10 jours dans le froid glacial d’Alaska devant elle, ses freins se sont coincés dans une pierre. Sigrid l’a pris, comme elle le dit « en plein dans la figure », mais elle a réussi à se maintenir sur le traîneau. Son visage lui faisait mal et au checkpoint suivant, les vétérinaires lui ont diagnostiqué une fracture du nez. Elle décide alors de poursuivre la course. A Yokun, elle mange un hamburger qui lui donne une infection alimentaire. Là encore elle décide de poursuivre et arrive finalement au but en 20ème position, avec le titre de « Rooky of the year » qui récompense le meilleur débutant, après avoir parcouru avec ses chiens 1800km en 10 jours 13 heures et 21 minutes.
« Chez mes parents à Sparbu nous avions un cheval, des poules, des moutons, des chèvres, des lapins et 15 vaches. Les animaux me suivaient jusqu’au bus de l’école tous les jours » raconte Sigrid
- J’ai eu une chouette enfance. L’intérêt pour les animaux et la nature a toujours été là. Il y a aussi toujours eu des chiens dans ma vie. Les chiens sont de supers animaux. Je me sens incroyablement bien quand je suis dehors avec mes chiens, dit Sigrid. Elle fut l’un des visages connus de la série « Nous à grands pas » que la chaîne de TV nationale a lancée en 2001. « Je travaillais pour l’émission et j’étais responsable des loups. Un job intéressant et amusant. »
Plus tard elle a étudié la vie sauvage à l’Université du Hedmark à Evenstad. Après cela, en 2003, elle part aux USA pour compléter ses études par un Master à l’Université de Fairbanks en Alaska. Pendant 3 ans, de 2004 à 2006, elle travaille en parallèle pour Team Norway avec notamment Robert Sorlie dans le cadre de leur participation à l’Iditarod. Les 2 années suivantes, elle participe elle même à la course en tant que musher. Au printemps 2008, elle participe à une expédition à l’île d’Ellesmere dans le Grand Nord Canadien. L’ile fut découverte en 1616 par William Baffin. Elle fut baptisée en 1852 par Sir Edward A. Inglefield dont l’expédition était soutenue par Francis Egerton, premier comte d’Ellesmere. Des parties de l’île furent cartographiées par Otto Sverdrups en expédition avec le Fram de 1898 à 1902.
L’expédition d’avril 2008 était menée par Will Steger. L’objectif était de documenter l’impact du changement climatique sur les régions polaires. Les autres participants de l’expédition étaient 2 canadiens, un américain, un anglais et le norvégien Tobias Thorleifsson. « Will Steger est plus connu pour ses légendaires expéditions polaires. Il a dirigé des expéditions parmi les plus importantes de l’histoire. C’était une grande expérience que d’être avec lui dans les traces d’Otto Sverdrups. Nous avons été dehors pendant 64 jours avec 3 team de 10 chiens. » Raconte t-elle. Elle connaît donc bien maintenant les régions polaires. « Je pense que c’est très intéressant de lire les livres et les histoires de Roald Amundsen, Fridtjof Nansen, Helge Ingstad et les autres qui ont tant risqué pour l’étude des régions polaires inconnues. »
« Très têtue, avec un instinct de la compétition très développé mais toujours avec le sourire » dit un ami assis avec nous sur le sofa mais préférant rester anonyme. Nous voyons bien qu’il sait de quoi il parle. Il nous dit aussi qu’elle est gentille, pleine d’égards, positive, persévérante et qu’elle est la meilleure quand des obstacles se présentent sur sa route.
- A quoi penses tu quand tu es dehors avec tes chiens, mil[1] après mil et heure après heure ?
- Je ne sais pas si je pense tant que ça répond-elle dans un sourire. Pendant une compétition je suis complètement concentrée sur le travail à faire. Dehors en entraînement, je profite de la nature et de l’expérience de la nature. C’est pour cela que je reste si longtemps à l’extérieur, parce que je suis là où j’ai envie d’être. Je suis nomade et je me plais sur la route. Je crois que la vie est un chemin qui chemine vers le but.
- Tu a aussi une vie ?
Sigrid comprend la question mais ne voit pas où est le problème.
- Je fais ce qui me tient le plus à cœur dans la vie : être dehors avec mes chiens. Peut être que je ne suis pas très sociable mais j’ai un réseau. J’ai ma famille, mes amis et j’ai la famille des mushers. Nous sommes très proches entre mushers. Le chien est un style de vie. Je l’ai adopté tout naturellement. Tu ne peux pas te sentir mieux que lorsque tu fais ce que tu aimes faire. Le pire pour moi serait d’être assise toute la journée devant un ordinateur. Certains pensent sans doute que ce que je fais est spécial et exigeant. Moi je pense que ceux qui vont au bureau le matin et restent là jusqu’à 16h, tous les jours pendant toute leur vie sont beaucoup plus fous que moi.
Pour le moment, elle loue une maison à Folldal. Là elle a ses chiens et son handler et camarade Mark Chin qui a lui aussi couru la Femundlopet. Il s’en est bien sorti avec les chiens que Sigrid n’avait pas sélectionnés dans son team. Sigrid insiste sur le fait qu’il est juste un camarade.
- Amoureux, enfants, maison, grosse dette et lourdes mensualités, ça ne te tente pas ?
Sigrid sourit et explique que pour ce qui est de la dette elle en a bien une petite, les enfants elle n’y pense pas encore et elle évacue la question de l’amoureux. Silence radio à l’autre bout du sofa ….
L’une de ses plus grandes héroïnes est Susan Butcher, la meilleure musheuse de tous les temps. Elle a gagné 4 fois l’Iditarod. Sigrid a fait sa connaissance et a même travaillé pour elle jusqu’à ce qu’elle meure d’un cancer à l’été 2006.
- J’ai rencontré Susan pendant les années où je vivais en Alaska. J’y suis restée 6 ans jusqu’à ce que la crise financière et les problèmes de visa ne m’obligent à rentrer en Norvège. Les années en Alaska m’ont apporté énormément. Là bas toute le monde est lié avec les chiens et le milieu des courses de chiens.
- Comment as tu obtenu de bons chiens de course ?
- C’est une question de génétique. Nous travaillons tout le temps à croiser les meilleurs chiens. C’est aussi une question d’entraînement, d’entraînement et encore plus d’entraînement. Le mushing est un sport difficile. Pour être au top tu dois être toi même ainsi que les chiens super entraîné et tu dois connaître tes chiens.
- Est ce que les chiens savent qu’ils sont engagés dans une compétition ?
- Oh oui, aucun doute là dessus. Mes chiens n’aiment pas se faire dépasser par d’autres attelages. Pas plus que moi d’ailleurs !
- Quand un chien est il au top de sa forme pour la compétition de haut niveau ?
- Environ entre 2 ans ½ et 7 ans, en général. Mais j’ai couru la Femundlopet cette année avec une chienne de 10 ans dans le team et elle a fait un super boulot.
- Le mushing est un sport où les femmes battent les hommes ?
- Il y a bien d’autres choses que le sexe qui entre en ligne de compte. Pour la Femundlopet, nous étions 2 femmes au top. Inger Marie Haaland a terminé 2nde, c’était amusant ! » L’expression de son visage et le langage du corps expriment à quel point ce résultat est absolument amusant.
Sigrid ne dit pas grand chose sur ce dont elle rêve dans un avenir proche mais nul doute qu’il s’agisse de ballades et de nouvelles expéditions.
- J’ai de nombreux projets et rêves, moi. Le prochain objectif est la Finnmarkslopet, course de 1000 km qui partira d’Alta le 13 mars prochain.
- Si tu gagnes 1 million au loto, que fais tu ?
- Je m’achèterais un voilier ! Sinon je veux vivre exactement comme maintenant. L’argent ne changerait rien à la valeur de ce que j’ai.
- Crois tu en Dieu ?
- Je ne sais pas. Je crois qu’il y a quelque chose de plus entre le ciel et la terre mais je ne suis pas religieuse.
- Rêves tu de gagner l’Iditarod ?
- Ce serait très drôle. Répond Sigrid.
Le jeune homme du sofa se lève et dit que Sigrid a beaucoup à faire. Ils sortent ensembles de l’hôtel.
[1] 1 mil norvégien = 10 Km