COCOON ET JERVEN
Tout musher se trouve soumis aux contraintes du froid, du vent de l'humidité et je peux vous assurer que quand vous les voyez partir sur une course de longue distance, de nuit par -20°C ou -30°C avec le vent en prime qui fait descendre encore la température, le blizzard et l'obscurité vous vous dites là que décidément, ils sont fous ces mushers ... Bon mais niveau équipement, il faut bien faire face et s'adapter pour résister ! Il arrive que la nature oblige à s'arrêter et à attendre : elle sera toujours la plus forte inutile de la défier plus que de raison ... Hop un bivouac, les chiens se roulent en boule et bientôt la neige les recouvre : sous la neige il y a de l'air pour respirer et on est à l'abri du vent : vous avez tous lu Jack London ?!
Cette nuit là, Buck dut résoudre le grand problème du sommeil. La tente, éclairée par une chandelle, projetait une lueur chaude sur la plaine blanche : mais quand, tout naturellement il y entra, Perrault et François le bombardèrent de jurons et d'ustensiles de cuisine qui le firent s'enfuir, consterné au froid du dehors.
Il soufflait un vent terrible qui le glaçait et rendait la blessure de son épaule particulièrement cuisante. Il se coucha sur la neige et tenta de dormir, mais le froid le contraignit bientôt à se relever; misérable et désolé, il errait au hasard, cherchant en vain un abri ou un peu de chaleur. (...)
Soudain, Buck eut l'idée de chercher comment ses compagnons de trait se tiraient de cette difficulté. A sa grande surprise, tous avaient disparu; il parcourut de nouveau tout le camp puis revint à son point de départ sans parvenir à les trouver. Convaincu qu'ils ne pouvaient être sous la tente, puisqu'il en avait été chassé lui même, il en refit le tour, grelotant, la queue tombante et se sentant très malheureux.
Tout à coup la neige céda sous ses pattes et il s'enfonca dans un trou au fond duquel remuait quelque chose; redoutant l'invisible et l'inconnu, il gronda et se hérissa avec un bond en arrière. Un petit gémissement amical lui ayant répondu, il revint poursuivre ses investigations et, en même temps qu'un souffle d'air chaud lui parvenait à la face, il découvrait Billee roulé en boule sous la neige. Celui ci gémit doucement, se mit sur le dos afin de prouver sa bonne volonté et ses intentions pacifiques, et alla même, pour faire la paix, jusqu'à passer sa langue chaude et mouillée sur le museau de l'intrus. Autre leçon pour buck, qui choisit immédiatement un emplacement, et après beaucoup d'efforts inutiles parvint à se creuser un trou. En un instant, la chaleur de son corps remplissait ce petit espace, et il trouvait enfin un repos bien gagné.
Pour le musher, les témoignages des scientifiques en mission dans les régions polaires regorgent d'informations. Par exemple, l'équipe du programme Hydro sensor Flow qui mesure la fonte des glaciers : l'un des rares programmes scientifiques français mis en place dans le cadre de l'année polaire. Ou les Frozen five qui ont fait le tour du Spitzberg - 1000 km en skis - ce printemps et qui nous expliquent ici la technique bien connue de "l'oignon":
Aspect certainement le plus caractéristique d’un séjour en région Arctique, la thermo-régulation consiste à rester au chaud et au sec grâce à des vêtements appropriés.
Ca paraît simple en théorie, mais ce n’est pas évident à mettre en pratique!
Au départ, on s’habille en empilant des couches de vêtements, sur le principe de l’oignon.
La première couche, à même la peau, est essentielle ; son rôle est d’absorber la transpiration pour laisser la peau sèche.
Après deux mois passés dans les mêmes vêtements, on ne peut pas dire qu’elle joue son rôle à la perfection…
Une amie Norvégienne me disait : “Si tu transpires, t’es mort”., et elle ne faisait pas référence au squash.
Ici, en pleine nature glacée, la transpiration se transforme instantanément en glace, et ce n’est pas facile de courir pris dans une armure de glace! Il y a de quoi se congeler sur place et être dégoûté à tout jamais de la glace !
Mais revenons à notre oignon, les couches d’isolation , l’essence même du principe de thermo-régulation.
La seconde couche doit diffuser de la chaleur, elle peut donc se résumer à un pull en laine ou à une polaire. On peut aussi rajouter d’autres couches intermédiaires mais rappelez-vous de ce qui vous arrive si vous transpirez.
Le meilleur est pour la fin : la couche externe ou “coque”. Elle doit vous isoler de la neige, du vent et du froid tout en laissant s’échapper votre transpiration. Dans les conditions qui sont les nôtres, cette couche externe devient toujours à un moment ou à un autre une armure de glace, mais dans la mesure où elle isole encore du froid, elle nous suffit.
A ce propos, continuant à surveiller les news des designers, je m'étais promis de vous montrer le "coccon " de John Moriarty (étude de refuge pour les conditions extrêmes) :
... Les plus avisés d'entre vous me rétorqueront que sur la banquise il n'y a pas d'arbre pour le suspendre ... Et moi, je n'ai rien à répondre à ça ! Avis aux plus imaginatifs : n'hésitez pas à nous faire partager vos suggestions !
Mais je ne terminerai pas cet article sans évoquer le fameux JERVEN : le sac de survie norvégien. Il a été testé avec succès par Carsten Thies, photographe de la Yukon Quest qui poireautait pendant des heures à attendre les attelages entre Alaska et Canada par des températures jusqu'à -49°C !!! Il fait partie du matériel obligatoire de toutes les courses scandinaves et pour cause ! Cet hivers, nous avons rencontré un musher norvégien qui nous a raconté qu'un jour en allant faire une petite ballade en traineau avec son jeune fils, ils ont été pris dans une tempête et sont restés 3 jours sans pouvoir bouger !
Dans un prochain article, je vous donnerai en exclusivité la traduction des conseils donnés par Jerven sur son site !