FEMUNDLOPET 600 : MA VERSION
Femund 600 2017 - Photo Hellhound Photography - Tine Sköll Johansen
Départ de Roros le 10 février 2017
Que s'est-il passé pour nous lors de cette course ? Le récit et les explications ci dessous. Merci à tous pour votre soutien et vos marques de sympathie. Lisez bien les 3 points soulignés en conclusion car je pense que c'est important pour l'avenir. Merci encore et rendez-vous sur Amundsen Race en Suède les 24 et 25 février prochain pour clôturer la saison de course !
J’ai effectué un début de course encourageant, les chiens avaient un bon rythme sur la première étape entre Røros et Tufsingdalen. J’ai freiné mais pas trop pour ne pas leur mettre trop de contrainte.
Je suis arrivé au check point en 12ème position avec le meilleur temps. Ce n’était pas mon intention de mener la course mais la vitesse que nous avons eue sur cette étape (15.9km/h) était tout à fait normale par rapport à nos vitesses d’entrainement.
A leur arrivée, les teams sont positionnés auprès de piquets alignés dans un grand champ. Le hasard me place juste à l’entrée du champ devant la zone de dépôt et le public. Un speaker nous accueille en commentant le nom de chaque équipage. Les arrivées sont groupées et les haut-parleurs et les projecteurs effrayent les chiens. J’effectue ma routine de checkpoint normalement, retire les bottines, nourri, mets les manteaux, la paille pour le repos des chiens et l’équipe vétérinaire se présente pour le contrôle. Je pense qu’ils m’ont laissé 10 minutes après mon arrivée avant de commencer le contrôle. Rapidement ils m’annoncent que 4 chiens ont un cardiaque supérieur à la normale. Je n’y vois rien d’étonnant, les chiens viennent d’arriver, il y a de la lumière, du monde, du bruit, 4 d’entre eux sont des yearlings, Dora a 2 ans et le tempérament de sa mère, très réservée et facilement effrayée.
Je ne suis pas inquiet et convient d’un nouveau contrôle en présence de mon handler 2 heures plus tard. Ils ne constatent pas d’amélioration. Entre temps un nouveau team s’est positionné à côté, les chiens voisins sont très nerveux et je ne suis pas présent avec les chiens lors de ce contrôle, d’où très certainement un stress supplémentaire pour eux.
L’équipe vétérinaire décide de revenir à 30 minutes de l’heure prévue de départ (21h23). Dora et Guro sont encore au-dessus des 120 pulsations minute, le maximal autorisé. Ils me donnent le choix : donner à boire et attendre 1 heure ou dropper les 2 chiennes. Je donne à boire et commence à me préparer au départ.
La direction technique (TD) est alors sollicitée. Nous souhaitons leur faire part de notre désaccord et les supplions de laisser l’attelage partir jusqu’à Drevjø où selon toute vraisemblance, le facteur stress évacué, tout devrait rentrer dans l’ordre.
Ils refusent, nous précisent qu’il n’y a aucune discussion possible et que seules les 2 alternatives présentées sont envisageables. Je leur montre les tremblements au niveau des postérieurs des chiennes qui sont bien le signe qu’elles ont peur de tous ces étrangers qui les entourent et que cela ne sert à rien d’attendre une heure de plus dans la mesure où les conditions seraient inchangées. Je demande un autre vétérinaire mais ils refusent également.
La seule chose à faire était de reprendre le trail, de s’éloigner de cette situation inconfortable pour les chiens et les remettre dans leur élément.
Si le cardiaque peut être un marqueur de pathologie plus loin dans la course, il est vraiment peu vraisemblable qu’un team engagé sur une telle distance avec de l’expérience et une préparation adaptée derrière présente des problèmes graves dès le début de la compétition. Les chiens sont sélectionnés pour leurs qualités et leur état de forme irréprochable au moment du départ pour les 600 km de course. Il est donc peu probable que de graves problèmes soient à déplorer au bout de 90km.
J’étais sûr de l’état de forme des chiennes et sûr qu’elles avaient seulement besoin de se remettre en piste.
Je décide de repartir et les engage à venir contrôler les chiens à Drevsjo. Je sais bien sûr que je m’expose à des sanctions mais leur refus catégorique de conciliation et leur mépris pour mon jugement et ma connaissance de mon attelage ne me sont pas acceptables. Je prends cette décision pour leur prouver qu’ils ont tort. Je suis sûr de moi et dérouté par leur arrogance. Je suis aussi fatigué par la pression systématique des équipes vétérinaires sur mon team lors de chaque grande course scandinave.
Je me prépare au départ, bottine les chiens, me concentre sur les tåches à effectuer et je pars avec des chiens heureux à l’heure exacte de 21h23.
Mes handlers discutent de la situation avec la Direction de course par téléphone. Ils refusent de se prononcer et remettent leur décision au lendemain.
Arrivés en tête à Drevsjo à 1h20, je suis accueilli par une équipe vétérinaire qui reprend les cardiaques 5 minutes après que nous nous soyons arrêtés. Tout est normal, absolument aucun problème à signaler. 1h après mon arrivée, les cardiaques sont autour de 80 pulsations par minute, ce qui témoigne de l'état de fraîcheur des chiens après 150km. Je suis soulagé, j’ai prouvé que j’avais raison. Les résultats du contrôle sont consignés dans le journal vétérinaire.
Se présentent ensuite les 2 mêmes personnes de la direction technique qui m’avaient refusé le départ à Tufsingdalen. Ils ont une attitude très hostile et me parlent de façon très désagréable dans plusieurs langues décousues pour me dire que tout est fini. Ils semblent à la fois en colère et très contents d’eux. Je trouve ce mépris inacceptable et déplacé. Ils ne font pas preuve de respect pour moi, mon jugement, ma personne, tout le travail accompli avec les chiens pour nous présenter sur cette course. Ils semblent juste jouir de la joie de me mettre hors course.
Nous avons rédigé un protest envoyé à la direction de course à 3h23. Celui-ci a été rejeté le lendemain à 9h42 et ma disqualification confirmée.
En piste pour Drevsjo...
Ce que j’ai fait, je l’ai fait pour faire avancer le sport.
Premièrement la règle des cardiaques n’a peut-être pas lieu de s’appliquer dès le premier check point. A ce moment-là de la course, tous les chiens sont encore dans un état de fraîcheur exemplaire et généralement fébriles et excités, tous les mushers en font l’expérience et je pense que tous les vétérinaires sont conscients de cette réalité.
Deuxièmement, je veux dénoncer la sévérité extrême des contrôles vétérinaires, en particulier pour les mushers étrangers et en particulier pour ceux qui commencent à obtenir des résultats. Je ne veux pas entrer dans de grands débats mais il est peut-être temps de jeter un pavé dans la mare. La pression ressentie de leur part sur chaque grande course, la suspicion avec laquelle ils me traitent et traitent de nombreux autres mushers étrangers selon les témoignages que j’ai reçus n’est pas justifiée et est tout à fait injuste. Chaque attelage engagé sur la course quelle que soit sa nationalité doit être traité de la même manière. Aujourd’hui selon toute vraisemblance, et nous en avons des preuves, ce n’est pas le cas.
Troisièmement, les vétérinaires ne doivent pas être présents pour juger ou sanctionner mais avant tout pour aider les mushers. Ils devraient pouvoir établir une relation de confiance avec eux pour le bien des chiens et la beauté du sport. Les mushers connaissent leurs chiens et sont les premiers à souhaiter leur bien-être. Le vétérinaire doit être un partenaire et non un juge !